Communiqué de presse des collectifs locaux réunis en coordination nationale à Saint-Avold, Moselle, les 12 et 13 octobre 2013
Alors que le gouvernement se réjouit de la décision du Conseil Constitutionnel qui valide la loi du 13 juillet 2011 relative à la fracturation hydraulique, nous nous interrogeons sur la judiciarisation de la question de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. En 2011, la loi Jacob n’avait pas été votée par l’actuelle majorité au motif qu'elle n’était pas suffisamment rigoureuse, qu’elle permettait des expérimentations. Arrivée au pouvoir, l’actuelle majorité n’a pas modifié cette loi. Elle a attendu une action judiciaire d’un pétrolier pour maintenant se réjouir du contenu de la loi Jacob. Le gouvernement attendra-t-il une pression judiciaire pour nommer la commission de suivi et d’évaluation, instaurée par cette loi, qui permettra de mettre en place les expérimentations de fracturation ?
Par ailleurs, depuis plusieurs mois, le gouvernement refuse de prendre position explicitement sur les transferts de propriété (les “mutations”) de certains permis de recherche. Les industriels se sont lancés dans une débauche d’attaques juridiques.
Ainsi, dans l’une des affaires qui l’oppose au pétrolier Hess Oil, l’absence de réponse du gouvernement le contraint (1) à la date du 17 octobre 2013 : soit à autoriser la mutation de sept permis, soit à payer une astreinte de 2000 euros par jour et par permis. Au moins quatre de ces permis visent explicitement la recherche d’hydrocarbures de roche-mère, exploitables uniquement par fracturation hydraulique. Nous nous interrogeons sur la passivité chronique de ce gouvernement qui, dans cette affaire comme dans toutes les autres (2), n’a pas présenté aux juges de dossier de défense. Nous pensons que ce silence passif est éloquent. Le gouvernement aurait-il décidé de déléguer à la justice ses choix politiques en la matière ?
Philippe MARTIN, ministre de l’environnement, rejettera-t-il ces demandes comme la loi l’y autorise et conformément aux promesses du chef de l’État (3) ? De toute évidence il les signera. S’il les signe, il pourra ensuite déplorer de ne pas avoir pu se soustraire à une décision de justice.
Les collectifs locaux se sont réunis en coordination nationale à Saint-Avold (57). Dans cette région ainsi que dans l’Est et le Nord de la France, le gouvernement a mis fin au gel de décisions concernant les attributions et prolongations de permis exclusifs de recherche. Par exemple, en août dernier, il a octroyé les permis dits de “Forcelles” (54) et “Seebach” (67), il a prolongé les permis “Bleue Lorraine Sud” (57) et “Soufflenheim” (67) ; il a ouvert (en septembre) le permis “Nord Cambrai” (59) à la concurrence, etc.
Le nouvel objectif du gouvernement serait-il d’ouvrir toute grande la porte de l’exploitation des gaz de couche aux industriels? Dans des régions ayant un fort passé industriel, aujourd’hui faisant face à une crise profonde (Lorraine, Nord-Pas de Calais, etc.), on fait miroiter aux populations locales “des emplois” et une exploitation “écologique”, en jouant sur la confusion entre gaz de mines et gaz de couche (4).
La région Lorraine, où s’est tenue la réunion, est couverte par onze demandes ou permis exclusifs de recherche. Pourtant le gaz de mine n’y est plus exploité, les méthodes pour l’extraire n’ont pas changé et ne sont pas devenues plus faciles ou rentables… L’objectif masqué est d’évidence le gaz de couche et les industriels sont très pressés de passer de la phase de “forages-tests” pratiqués actuellement en Lorraine à l’exploitation industrielle de ces gaz qui, sur la durée, nécessite le recours à la fracturation hydraulique. L’exploitation sans recours à cette méthode ne permet d’extraire qu’une petite partie des ressources en hydrocarbures, dont les industriels ne se contenteront pas, car ils ont besoin de rentabiliser leurs investissements. Par conséquent, les industriels ne pourront pas tenir leur promesse de ne pas utiliser cette technique sur ce type de gisements.
Mais, ici comme ailleurs, la résistance s’organise, les collectifs locaux se renforcent et tissent des liens entre eux, les populations locales sont donc de mieux en mieux informées. Fortes de cette vision des choses, les populations céderont-elles encore une fois aux sirènes des industriels ou, préféreront-elles se tourner vers une vraie politique de sobriété et de conversion énergétique et écologique relocalisée, génératrice d’emplois stables et durables ?
Des alternatives aux hydrocarbures existent.
Sortons des schémas archaïques et productivistes et de la frénésie extractiviste !
(1) ordonnance du tribunal administratif de Cergy, 26 septembre 2013, PCJA : 54-035
(2) T.A. de Chalons en Champagne en janvier 2013, Conseil d’Etat en juillet 2013, T.A. Cergy-Pontoise en avril et en septembre 2013
(3) Allocution de François Hollande le 14 juillet 2013
(4) http://www.nongazdeschiste.fr/index.php/coordinationnationale/301-gaz-de-couche-nouvel-avatar-des-masseurs-de-roche